Au milieu du XIXe siècle, la croissance de la population et la hausse de la consommation de tabac entraînent la création de nouvelles manufactures, dont une à Pantin. Dès 1877, les bâtiments de l'ancienne tannerie Courtois abritent des ateliers provisoires et près de 150 apprenties cigarières sont formées. Entre 1886 et 1890, la manufacture est agrandie ; aux ateliers et aux bureaux sis dans les locaux de l'ancienne tannerie, sont ajoutés de nouveaux bâtiments d'exploitation. L'effectif de l'usine oscille à cette époque entre 700 et 800 personnes, pour dépasser le millier en 1912. Il s'agit très majoritairement des femmes occupées à la confection manuelle de cigares. Au cours des années 1930, les cigares et cigarillos sont progressivement supplantés par les cigarettes. Dès 1950, la production est concentrée sur ces dernières, essentiellement des Gauloises. Pour cela, les derniers locaux de la tannerie sont démolis en 1957 et un nouveau bâtiment est construit rue Courtois.

Quelques années après la mise en fonctionnement des nouveaux ateliers, alors que les fumeurs délaissent le tabac brun pour le blond, la manufacture de Pantin figure parmi six établissements du Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) dont la fermeture est envisagée. Soutenus par la municipalité, les 300 ouvriers résistent au projet de liquidation. Après la fermeture en mars 1982, l'usine est occupée pendant dix-neuf mois. À partir du 11 juin 1982 et pendant plusieurs mois, les grévistes fabriquent des Gauloises pantinoises, au paquet rouge vif.

Don de Cateryne Turc en décembre 1999.

Ce paquet de cigarettes témoigne d'un conflit social emblématique pour le territoire. Fabriqué en usine, en détournant les moyens de production utilisés d'ordinaire et par les ouvriers de l'entreprise, il est toutefois issu d'un temps particulier, celui de la grève et donc d'un mode d'organisation inhabituel. Distribué dans l'idée de faire connaître au plus grand nombre l'occupation de la Manufacture des tabacs, cet objet de lutte met en valeur le savoir-faire des ouvriers tout en interpellant par son aspect inventif.